L'Art de perdre de Alice Zéniter

Tigre dans une tempête tropicale/ Le Douanier Rousseau, 1891 [Domaine public]
Tigre dans une tempête tropicale/ Le Douanier Rousseau, 1891 [Domaine public]

D'où vient-on ? Quelles sont nos origines ? Alice Zéniter s'est posée cette question dans sa jeunesse. Sa famille lui répond qu'elle est une Harki car son grand-père paternel en était un et par conséquent qu'il leur est interdit de revenir en Algérie.

Des recherches dans le dictionnaire lui apprennent qu'un harki fait partie d'une harka. La mémoire de la famille n'étant pas transmise, elle continue à s'informer sur l'histoire de l'Algérie et sur la trajectoire de sa famille. 

Une histoire romancée voit progressivement le jour, dix ans de maturation seront nécessaires pour arriver au roman L'Art de perdre (2017). 

C'est le quatrième roman de Alice Zéniter et il a obtenu de nombreux prix littéraires dont le Prix Goncourt des lycéens. 

 

 

Résumé - impressions :

 

Naïma, une jeune femme française, d'origine algérienne s'interroge sur les origines de sa famille. Son père Hamid a tourné le dos à sa jeunesse algérienne et n'a rien à lui dire. Sa grand-mère Yema ne parle pas bien le français, il est difficile de converser avec elle et son grand-père Ali est décédé quand elle avait une dizaine d'années. Face à ce silence, elle décide de remonter le fil de l'histoire de sa famille, la famille Zekkar, à côté de la ville de Palestro (aujourd'hui Lakhdaria) en Kabylie et plus particulièrement les villages de la crête...   

   

Alice Zéniter retrace la vie familiale d'une famille algérienne sur trois générations de la conquête de l'Algérie à aujourd'hui. Trois personnages sont mis en avant, Ali, Hamid et Naïma .

L'Histoire va frapper à la porte de cette famille avec la guerre d'Algérie qui aboutira à l'indépendance de celle-ci. Imperceptiblement, Ali, propriétaire d'une oliveraie, fait le choix de ne pas verser le sang et de ne pas se rallie au FLN (Front de Libération National). Menacé, il cherche protection et décide de partir pour la France avec sa femme et ses enfants. Leur histoire sera progressivement passée sous silence dans la société mais aussi au sein de la propre famille d'Ali.   

 

La traversée en bateau, les différents camps d'accueil en Provence avant un logement HLM en Normandie effacent les liens avec le pays d'origine et éloignent les parents des enfants et des petits-enfants tant leur vie sera différente des générations précédentes. Ali, fait le deuil de sa position de chef de la famille en tant qu'aîné et ne comprendra plus la société où il vivra désormais. Hamid, fils de Ali, refusera l'Algérie et ne transmettra rien, se révoltant des insultes et attaques racistes rencontrées en France. Naïma, elle, cherchera à comprendre et aura le courage de faire le trajet inverse à la suite d'une amitié avec un artiste algérien, Lalla, réfugié en France.  

 

"Dans l'art de perdre,il n'est pas dur de passer maître", ce vers la poétesse Elisabet Bishop, Naïma se l'approprie peu à peu au fil de son cheminement. Nous perdons de petites choses, des objets du quotidien, nous renonçons à des projets, nous perdons des objets, des maisons chers à nos coeurs voire beaucoup plus comme un royaume, un pays...     

 

Exil forcé, perte d'identité, déracinement, effacement du lien culturel, impossibilité de dialogue en langue arabe, l'héritage de Naïma ne sera jamais celui que ses grand-parents auraient voulu pour elle mais la jeune femme s'est construite avec une nouvelle culture, en faisant des études d'histoire de l'art et en travaillant avec des artistes d'horizons différents qu'elle présente au monde.    

 

 

 

Pour aller plus loin :

 

 

Jusque dans nos bras

Sombre dimanche

Juste avant l'oubli

De qui aurais-je crainte ?

Un Ours, of course : un conte musical 

 

 

Rencontre avec Alice Zéniter sur son livre L'Art de perdre